Non, moi non plus, je n’aurais jamais cru un jour prendre la plume pour défendre la figure du patron. Moi, 37 ans, mes 2 burn-out et 3 sorties de contrat subies, moi dont la fibre entrepreneuriale est avant tout motivée par la volonté de ne plus jamais avoir de patron au-dessus de moi… Moi, je défends les patrons. Enfin, plus précisément : je cherche à les comprendre.
Sophie Riche et moi, on a le même super-pouvoir : l’hypersensibilité, qui va de paire avec un sens de l’empathie très, très exacerbé. Comprendre et ressentir les émotions des autres, c’est parfois un handicap — quand on est une éponge émotionnelle, on absorbe tout notre environnement, c’est difficile de résister… — mais c’est souvent, tout de même, un incroyable super-pouvoir. Parce que nos émotions disent tout de nous, elles racontent nos histoires, nos vécus, sans jamais travestir, caviarder, embellir. Elles sont brutes, sincères, sans détour.
Notre hypersensibilité est une véritable boussole, radar et scanner à la fois : elle nous permet de lire les silences, comprendre les non-dits, écouter les absences. Et je crois qu’il n’y a pas besoin d’être hypersensible pour comprendre à quel point les émotions nous ancrent dans notre environnement. La colère nous protège, la tristesse nous soulage, la peur nous avertit, le doute nous fait mûrir, la culpabilité nous interroge, l’anxiété nous alerte, la clémence nous répare, l’humilité nous préserve, la joie nous épanouit.
Les émotions sont un véritable arsenal défensif autant qu’offensif, pour affronter et conquérir le monde, s’y faire une place et s’y développer.
Quel rapport avec les patrons ?
Je suis comme vous : des histoires de patrons froids, distants, voire carrément manipulateurs, abusifs et violents, j’en ai entendu des dizaines. J’en ai même vécues moi-même. J’ai été témoin de ces vécus, autour de moi. Je sais, bien sûr, que ces histoires, ces vécus, témoignent d’une réalité.
Et je sais aussi que l’humain est capable du pire lorsqu’on le coupe de ses émotions. Je le sais parce que ça m’est arrivé, personnellement. D’être en situation de responsabilité, et de ne pas avoir droit à la faiblesse, au doute, à la vulnérabilité. De n’avoir ni le droit ni l’espace pour pouvoir m’arrêter, faire un pas de côté, prendre un peu de recul, réfléchir, évaluer, consulter, tester, essayer, échouer, reprendre, recommencer.
Parce que je n’avais pas cette possibilité d’être en proie à mon humanité — car succomber à ses émotions, ce n’est rien d’autre que cela : subir son humanité — je me suis alors réfugiée dans le stéréotype que je croyais être un exemple : le chef autoritaire, sûr de lui, qui assume ses responsabilités. Tout le reste était accessoire. Seul comptait mon objectif, à savoir la réussite du projet de l’entreprise.
« Tout le reste ».
Il y avait un monde et une humanité dans ces trois mots, que j’avais pourtant décidé de reléguer à l’arrière-plan de mes préoccupations. Il y avait des individus, traversés par leurs propres émotions, dans ce “reste” dont je refusais désormais de me préoccuper, pour la meilleure et la pire des excuses : je n’en avais “pas le temps”.
À l’issue de cette expérience professionnelle traumatisante, et avec l’aide d’une thérapeute, j’ai réussi à me regarder en face, moi, cette coquille dénuée d’empathie que j’avais été, pourtant mue par le sentiment d’accomplir mon devoir, d’assumer mes responsabilités.
La perspective était vertigineuse.
Donc, même une personne hypersensible peut se couper de sa propre boussole intérieure, sous la pression des responsabilités ? Des deadlines à tenir ? Des budgets engagés ? Le sens du devoir peut nous faire perdre le Nord aussi facilement ?
D’accord, mais quel rapport avec les patrons, donc ?
Cette brève expérience de l’autre côté du miroir — dans le champ de l’autorité — m’a permis d’entrevoir l’expérience du pouvoir et des responsabilités.
Et, je dois le dire aujourd’hui : je comprends mieux. Je comprends — sans l’excuser — qu’un patron puisse se comporter comme un robot mal calibré devant ses salariés. Comment il est possible d’être un jour hyper à l’écoute et compréhensif, et le lendemain, rester de marbre voire carrément hostile face à des employés qui demandent des aménagements de poste, ou simplement, qui demandent à être écoutés.
Je n’avais pas le temps d’écouter. Écouter sans agir me stressait infiniment. Mon temps était précieux. Je n’avais surtout aucune place pour l’empathie, car toute mon énergie était mobilisée vers l’atteinte de mes objectifs professionnels.
Depuis cette expérience désastreuse, je me suis intéressée aux patrons — hommes ET femmes cheffes d’entreprises, bien sûr. J’ai été témoin de ce paradoxe si frustrant à vivre, lorsqu’on est à la tête d’une entreprise, qu’on se démène pour développer un business et faire vivre toute une équipe salariée, et que dans le même temps, on se retrouve responsable du mal-être desdits salariés.
Je me suis souvenue qu’il m’était impossible de prendre des décisions justes et sensibles lorsque je naviguais privée de ma boussole. Je ne prenais que des arbitrages matériels, pragmatiques. Froids. Distants, désincarnés. Déshumanisés.
Mais je me suis dit aussi que j’aurais aimé avoir de l’aide, à cette époque, pour retrouver ma boussole, justement. Que je n’avais pas le luxe de pouvoir être patiente, empathique et compréhensive, parce que je me devais d’être responsable, efficace, à la hauteur de mon poste, tout simplement.
Et je sais aujourd’hui que ce n’est pas incompatible : on peut diriger avec une boussole. C’est même plutôt pratique, d’ailleurs.
Alors, si vous avez autour de vous — au-dessus de vous ? — des directeurs, directrices, chef·fes d’entreprises qui vous semblent naviguer sans boussole, ou si vous êtes vous-mêmes dans cette situation, je voulais vous dire deux choses :
1— Vous n’êtes — ils et elles ne sont — absolument pas seul·es. Cette situation est dramatiquement banale, mais fort heureusement, elle est loin d’être irrémédiable.
2— C’est précisément pour VOUS aider que Sophie et moi avons décidé de fonder Puissances : parce que l’entreprenariat demande du courage, de la persévérance, parce qu’arpenter ce parcours a tendance à endurcir celles et ceux qui s’y aventurent, et parce qu’il est trop facile et trop courant de perdre sa boussole en chemin. On est là pour vous, pour vous écouter, et voir ensemble comment on peut vous aider. Il suffit pour cela de booker un 1er contact avec nous (c’est gratuit), en cliquant sur ce lien.
PS : oui, ma stratégie commerciale consiste à répandre mes tripes sur +1200 mots pour l’envoyer à une base de contacts absolument pas qualifiés. Si vous ne m’aidez pas en partageant cette newsletter autour de vous, je cours à la faillite. Donc je compte sur vous ! AH ÇA VA je plaisante ! (Mais je compte sur vous quand même <3)
À bientôt sur les réseaux,
Clémence Bodoc.
PS bis : ma désastreuse expérience de management, j’en parle davantage sous la couverture de la fiction dans mon premier roman, À contre emploi.
xoxo